A l’heure où de plus en plus d’industriels cherchent à se diversifier en dehors de leurs catégories d’origine, l’option du ‘brand stretching’ semble plus largement utilisée que le lancement d’une nouvelle marque. Mais cette approche est-elle toujours pertinente ? Quand vaut-il mieux privilégier le lancement d’une nouvelle marque ?
Peu de nouvelles marques, de plus en plus d’extensions
Au cours des trois dernières années, peu nombreux sont ceux qui ont osé lancer de nouvelles marques. Quand bien même l’aventure aurait été tentée, les grands groupes ont le plus souvent recours à des marques de leur portefeuille encore absente du paysage local – à l’instar de Kraft avec Oreo ou Philadelphia. Une autre option consiste à étendre une marque déjà existante à une nouvelle catégorie : Axe sur les shampooings, Cillit Bang sur les liquides vaisselle ou Milka et Côte d’Or sur les biscuits en sont des exemples récents !
Les bénéfices du brand stretching
De manière générale, la crédibilité d’une marque établie est plus forte que celle d’une nouvelle marque. Ainsi, l’intention d’achat d’un nouveau produit est en moyenne 5% à 15% supérieure lorsqu’il s’agit d’une extension plutôt que d’une nouvelle marque1.
Ceci s’explique par le fait que le nouveau produit lancé sous une marque établie profite de l’image de la marque mère : un bénéfice hydratation chez Dove, une garantie saveur chez La Laitière, …
Parallèlement, l’innovation lancée sous une marque établie contribue à rassurer les distributeurs : les consommateurs sont généralement plus enclins à remarquer un nouveau produit d’une marque qu’ils achètent déjà, ce qui constitue une caution en termes de rotation du nouveau produit en rayon. Dans les faits, cette réassurance des distributeurs permet souvent une montée en distribution plus rapide que pour une nouvelle marque : en 3 mois, les fromages Elle & Vire avaient déjà atteint 94 points de DV quand Philadelphia plafonnait à 602…
Un nouveau produit lancé sous une marque existante pourra aussi bénéficier des activités promotionnelles et publicitaires du cœur de marque. Et il n’est pas rare d’observer des effets de halo favorables entre l’extension et la marque mère.
Et créer une marque pour attaquer un nouveau marché ?
Dès lors qu’un nouveau produit est différenciant et perçu comme réellement original, la marque n’a que peu d’impact3. Ainsi, l’innovation peut être parfaitement réussie sous une nouvelle marque : le succès de Swiffer en est une bonne illustration.
Néanmoins, ce type de lancement nécessite un fort investissement financier et humain. Il faut justifier la crédibilité de la nouvelle marque, ce qui demande plus d’efforts pour informer les consommateurs du bénéfice produit. Il est donc critique qu’elle bénéficie d’un soutien marketing sur plusieurs années, ce qui n’est pas toujours possible dans la stratégie de l’industriel.
Le brand stretching pour tous ?
Plus le nouveau produit est proche du cœur de marque, plus la cannibalisation de la marque ombrelle est importante, notamment du fait de la ponction financière : environ un tiers des extensions de ligne tirent le financement de leur budget publicitaire et promotionnel de la marque mère4.
Pour réduire la cannibalisation, certaines marques investissent des catégories éloignées de leur territoire d’origine. Mais cela reste une alchimie délicate ; à trop vouloir « étirer » la marque, on prend aussi le risque de brouiller le consommateur et de porter préjudice au cœur de marque.
Pour pénétrer d’autres catégories sans mettre en péril son image, la marque doit présenter un bénéfice qui est pertinent et transférable à de nouvelles catégories pour créer un avantage unique : Axe s’appuie sur la ‘séduction’ pour s’étendre aux gels douche, eaux de toilette et après-rasage. Palmolive est un cas extrême avec une marque totalement crédible aussi bien sur l’univers du soin du corps que sur les liquides vaisselle !
La partie la plus ardue semble alors de construire sur le long terme pour sa marque une image assez distincte, spécifique et suffisamment flexible pour tirer tous les bénéfices du brand stretching.
1 Source : Nielsen – BASES ; plus l’extension est proche de la catégorie d’origine, meilleure est l’intention d’achat
2 Source : Nielsen – ScanTrack, Total HM
3 Source : Nielsen, étude BASES portant sur plus de 700 nouvelles marques et plus de 5 000 marques établies
4 Source : Nielsen – BASES, Marketing Plan Advisor répertoriant plus de 70 000 plans marketing